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Les origines

  Les origines malgaches de l 'île de la Réunion

  Les premiers navigateurs de l'humanité

  L’invention de l’agriculture en Asie du Sud-est

  Les premiers habitants de la Grande Île

  Les premiers habitants de la Grande Île

  La religion des grands ancêtres

  Du temps de Darafify

  Les Zafiraminia

   Les Antemoro dans le sud-est

  Le modèle ZafiRambo

  Le modèle Antanosy

  Premières expériences de la colonisation

  Dans le Sud et le Sud-Ouest

  Les Maroseraña sakalava

  En Imerina, des Vazimba aux Andriana

  Andriamanelo, roi d’Alasora

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  Andrianjaka et Antaninarivo

  Les temps anciens en pays betsileo

  
Les origines  

Les premiers navigateurs de l'humanité

Pour faire cette histoire qui débute quand il n’y avait pas de documents écrits, nous pouvons utiliser les données que nous fournit l’archéologie qui, elles, sont contemporaines des faits les plus anciens, mais nous pouvons aussi partir de données actuelles qui nous interrogent et dont nous aimerions bien connaître l’origine.


C’est chose possible, car si les hommes ont pu oublier certains de leurs savoirs anciens, le pouvoir de mémorisation des cultures populaires leur a permis de conserver du passé ce qui leur semblait important.
Par exemple, dans la quête de ses racines les moins connues, la Réunion se pose souvent la question du maloya, que la culture populaire a conservé malgré les condamnations à l’oubli qui avaient frappé cette tradition. On est certains que le maloya ne vient ni du Poitou ni de la Saintonge, mais les réponses les plus diverses ont été données.
Or, il n’est pas inutile de savoir que le mot désigne un chant et une danse funéraires chez les Toradja de Célèbes (ou Sulawesi) dans l’Indonésie actuelle. Le souvenir des cultures, là dans une des sociétés de l’aire austronésienne, ici à Bourbon, nous éclaire sur certaines de leurs racines pour le Sud-Ouest de l’océan Indien, sans nous fournir, il est vrai, explicitement le cheminement qui a conduit de l’une à l’autre.
L’hypothèse d’une étape malgache n’est sans doute pas à écarter.
Pour Madagascar, les données de l’histoire culturelle – et d’abord celles de la langue – permettent de rattacher la Grande Ile au grand ensemble des peuples austronésiens qui occupent depuis longtemps la plus grande partie de la terre, puisque l’aire austronésienne s’étend actuellement de Taiwan et d’Hawaï au nord à la Nouvelle-Zélande au sud, et de l’île de Pâques à l’est à Madagascar à l’ouest.

L’aire austronésienne

Ce qui fait l’unité culturelle de cet espace, c’est la langue. Tous ne parlent pas la même langue, mais des langues apparentées. On connaît bien, par exemple, l’unité des langues romanes. Elle a été décrite par de nombreux linguistes, mais même en ignorant leurs travaux, chacun peut sentir la parenté, par exemple, entre le français, l’italien et l’espagnol.
De façon plus large, les langues romanes ne sont qu’un rameau des langues indo-européennes qui comprennent presque toutes les langues de l’Europe, mais aussi le kurde, les langues de l’Iran et de l’Afghanistan, la majorité des langues de l’Inde et des langues disparues comme le tokharien dans le Turkestan chinois d’Asie centrale.
L’indo-européen, langue première, ancestrale pourrait-on dire, était parlée quelque part au Sud de la Russie il y a une dizaine de millénaires. Les peuples se sont séparés et leurs langues ont évolué différemment, ne permettant plus l’intercompréhension.
Il en fut de même pour les langues austronésiennes – actuellement quelque cinq cents langues. Le houaïlou de Nouvelle-Calédonie n’est pas plus compris par un malgachophone que l’anglais ne l’est par un lusophone. Mais la parenté génétique de ces langues a été prouvée. Et il faut bien voir que les idées et concepts ont une forme de solidité plus grande que celle des mots. Le mana des Polynésiens a la même origine que le hasina des Malgaches.
Les grands ancêtres des Austronésiens sont partis de la région de Taiwan pour peupler le Sud-Est asiatique, le Pacifique et l’océan Indien. C’est aussi la langue qui permet de situer la zone d’origine. On sait que, sur le long terme, les migrants qui partent loin du foyer ancestral sont plus conservateurs des faits anciens de langue que leurs lointains parents qui ne sont pas partis. Et c’est à Taiwan que les langues austronésiennes se sont le plus diversifiées.

L’apprentissage de la navigation

Il faut à l’évidence abandonner la thèse défendue, avec succès dans le grand public, par Thor Heyerdahl selon laquelle l’Océanie aurait été peuplée à partir de l’Amérique latine. Exploit technique de navigateur, l’expédition du “Kon Tiki” en 1947 ne pouvait expliquer la parenté culturelle des Polynésiens et des Malais du Sud-Est asiatique. Aujourd’hui, les recherches de génétique humaine sur l’ADN viennent de prouver l’origine asiatique des populations océaniennes dont les ethnologues n’avaient jamais douté*.
La question se pose alors des moyens par lesquels se sont faites ces migrations. Depuis que les premiers hominiens sont apparus en Afrique, le bipède humain s’est déplacé. Il suffit, a-t-on chanté, de mettre un pied devant l’autre et de recommencer. Un des atouts des Indo-Européens pour leurs migrations continentales avait été d’avoir domestiqué le cheval et inventé la roue et le chariot. Aller occuper une multitude d’îles dans l’immensité océanique et s’y déplacer d’une île à l’autre et d’un archipel à un autre posaient des questions plus complexes. Pour la seule Micronésie (Mariannes, Carolines, Marshall et Gilbert), on compte plus de 2.500 îles réparties sur plusieurs millions de kilomètres carrés d’océan.
Pour comprendre le procès qui conduisit les Austronésiens à se lancer dans cette aventure, il faut se situer en Extrême-Orient il y a 12 000 ans. A cette époque, sur l’espace géographique chinois actuel, les Han (les Chinois) n’occupaient qu’une région minuscule de la vallée du Hoanghe, le Fleuve Jaune des géographes français. L’Est et le Sud de la Chine étaient occupés notamment par les ancêtres des peuples austro-asiatiques (Thaï, Kadai et Austronésiens). De plus, cette époque se situe à la fin de la dernière période glaciaire et, le niveau de la mer dans cette région étant à environ 150 mètres en dessous du niveau actuel, les côtes n’avaient pas le même tracé.
Le Japon, Formose (Taiwan) et Ceylan étaient rattachés au continent voisin, et on pouvait aller à pied de la Chine aux Philippines en passant par la Malaisie et l’Indonésie actuelles. La terre ancestrale des Austronésiens située autour de Formose est en grande partie recouverte aujourd’hui par les eaux marines, car à la suite du réchauffement du climat et de la fonte des glaciers continentaux et des banquises polaires, les eaux des précipitations retenues par la glaciation ont augmenté la masse des eaux marines.
Hier comme aujourd’hui, la majorité de l’humanité a de loin préféré s’installer dans les régions basses voisines des mers et des océans qui sont plus tempérées et agréables à vivre. La transgression marine, que l’on appelle “flandrienne” en Europe, a alors submergé les régions les plus basses. Les Austronésiens furent touchés par ce phénomène que l’on imagine d’autant mieux qu’avec les conséquences de l’effet de serre, c’est ce dont nous menacent maintenant les scientifiques.
Demain, des régions entières, même des Etats comme l’archipel des Maldives, pourraient disparaître. Il y a 11 000 ans, les Austronésiens furent contraints par l’eau de chercher refuge vers les sommets des collines qui devinrent des îles. Pour maintenir les relations de parenté et de voisinage, ils trouvèrent donc les moyens d’aller d’île en île et inventèrent la navigation.
Lorsque beaucoup d’entre eux furent contraints de quitter la région à la fin de la transgression, ils partirent à la recherche de nouvelles terres et peuplèrent les Philippines. Le mouvement amorcé, certains, quelques millénaires plus tard, partirent vers l’Est en direction du Pacifique et d’autres vers l’Insulinde au sud-ouest. C’est, plus tard encore, au premier millénaire avant l’ère chrétienne, que les descendants de ces derniers partirent à la découverte de l’océan Indien.

Le soleil et les étoiles, les courants et les vents

Les anciens Austronésiens sont les premiers navigateurs de l’humanité. Si l’on fait exception de la traversée de la ligne Wallace il y a 50 000 ans par les futurs Aborigènes d’Australie – mais qui ne donna pas naissance à une marine durable –, les premiers déplacements marins se situent au 9e millénaire avant l’ère chrétienne, c’est-à-dire bien avant l’apparition des Phéniciens et des Vikings dans l’histoire, avant même les premiers marins qui, en Méditerranée, allèrent peupler les îles comme la Sardaigne et la Corse au temps de l’âge du Bronze.
Les Austronésiens furent ceux qui, les premiers, inventèrent et pratiquèrent la navigation hauturière. Comme le montre la science nautique que les mandarins chinois ont recueillie et comme elle fut encore observée dans le Pacifique aux 18e et 19e siècles, les Austronésiens s’orientaient d’après le soleil et les étoiles et, entre autres, utilisaient les courants marins et les vents saisonniers comme l’alizé du sud-est. Ils étaient capables de faire voile d’un point à un autre, d’une petite île à une autre petite île.
En 130 de notre ère, Zhang Heng, un grand astronome chinois, parle de “l’ensemble des 2 500 étoiles, non compris toutes celles qu’observent les marins”. Pour utiliser une expression récurrente actuellement, disons que les marins auxquels il fait allusion ne sont sans doute pas des Chinois “de souche”.
Au 2e siècle sous l’empereur Wudi (–140 environ à –87), l’Empire du Milieu ne fit qu’atteindre Canton. Au cours de cette expansion, les Han ont mené une politique de sinisation, mais les populations sinisées n’ont perdu ni leurs savoirs ni leurs activités.
En ce qui concerne les embarcations, on associe la pirogue à balancier aux peuples “malayo-polynésiens”. C’est exact mais très insuffisant. L’inventivité des peuples austronésiens a créé des embarcations de multiples formes et d’envergures différentes.
Outre la pirogue monoxyle taillée dans un tronc d’arbre, en général de petites dimensions, ils utilisaient une grande pirogue à balancier surmontée de hauts bords, des embarcations assemblant deux coques qui sont des catamarans, et d’autres comportant un balancier de part et d’autre de la coque, c’est-à-dire des trimarans. Les études qui ont été faites montrent une très grande variété de réalisation dans le cadre des modèles énumérés. Le téléspectateur qui suit aujourd’hui les sports nautiques sait-il que le principe des catamarans et des trimarans n’est pas une invention du Nord ?
Mais ce n’est pas tout. Saurait-il par hasard que quand les caravelles portugaises sont arrivées à Java au 16e siècle, elles y ont rencontré des bateaux malais qui les dominaient par leur taille. Et ce n’était pas un fait nouveau. Grâce aux annalistes chinois, on sait qu’au 2e siècle avant J.-C., l’empereur Wudi autorisa les ambassadeurs chinois qui allaient en Inde au pays de Bouddha à utiliser les bateaux et équipages austronésiens, au lieu de faire le long trajet terrestre qui passait par l’Asie centrale, l’Afghanistan, le Pakistan et la vallée du Gange.
Peu après, les mandarins décrivirent les kunlun bo, les “bateaux des hommes noirs”. C’étaient de grands voiliers ayant plusieurs mâts et qui pouvaient transporter de 300 à 1 000 personnes et jusqu’à mille tonnes métriques de fret.
Par des maquettes en céramique trouvées lors de la fouille de tombes à Canton datées du 2e siècle de l’ère chrétienne, on a la preuve que le gouvernail axial équipait déjà ces grands bateaux austronésiens. Les musulmans en empruntèrent la technique au 10e siècle et les Européens deux siècles plus tard en le fixant sur l’étambot de leurs navires : c’est donc, pour la marine occidentale, le gouvernail d’étambot.
Comme le racontent les textes et comme le prouvent les travaux d’archéologie marine, la construction navale dans le Sud-Est asiatique était un véritable art. Les charpentiers de marine savaient choisir les bois qui résistaient à la corrosion de l’eau. Ils assemblaient les planches par tenons et mortaises et les chevillaient. Alors que la métallurgie était connue, ils n’utilisaient aucune quincaillerie. Celle-ci aurait été trop facilement corrodée, tant par les eaux chaudes tropicales que par la nature des bois utilisés. Par contre, ils avaient recours à des cordages en fibres de palmier pour assurer la cohérence de l’ensemble. C’étaient donc, dit-on, des bateaux “cousus”.
Tous les Austronésiens ne se sont pas consacrés de façon durable à la seule activité maritime. Une fois le déplacement effectué, beaucoup de ces peuples sont devenus des terriens et des paysans. Et parfois aujourd’hui, certains manifestent une forte aversion à l’égard de tout ce qui concerne la mer, qui est devenu un espace abandonné à des esprits et à des monstres redoutables pour le pauvre mortel.
C’est aussi un lieu vers lequel on envoie toutes les impuretés dont les hommes veulent se débarrasser et se libérer. Mais la tradition maritime créée il y a 1 000 ans fut aussi, au cours de l’histoire, développée par certaines formations politiques austronésiennes. Celles-ci ont donné naissance à plusieurs grandes thalassocraties dirigeant un commerce au long cours vers la Chine, l’Afrique et le Moyen-Orient – des thalassocraties plus importantes que celle que dirigea Athènes dans l’Antiquité méditerranéenne et qui contrôlaient les voies commerciales allant de l’océan Indien vers la mer de Chine.
Retenons notamment l’Empire du Champa établi dans la partie méridionale de l’actuel Viêt-nam, qui maintint sa suprématie du 2e au 14e siècle, les thalassocraties des Çailendra et du Mataram à Java du 7e au 12e siècle qui construisirent le temple de Borobudur aux 8e-9e siècles, celle de Çrivijaya à Sumatra du 8e au 13e siècle, et enfin celle de Mojopahit au 14e siècle, qui rétablit l’unité des grandes îles de l’archipel aujourd’hui indonésien. C’est dans l’espace commercial que la marine austronésienne créa dans l’océan Indien que se firent les migrations vers Madagascar et les terres adjacentes.

* “Les sept filles d’Ève” de Bryan Sykes (Albin Michel, 2001).

Jean-Pierre Domenichini et Bakoly D. Ramiaramanana


La parenté des langues
L’argument linguistique fut parfois utilisé sans rigueur. Sur les traces d’un confrère missionnaire, un ancien jésuite malgache, Dama-Ntsoha, a voulu prouver que les Malgaches étaient d’anciens bouddhistes et que le malgache dérivait du sanscrit de l’Inde.
Dans sa volonté de prouver que ses compatriotes étaient des Indo-Européens comme les colonisateurs et, dans la logique de leur idéologie du sang, ne méritaient donc pas leur mépris, ce bon patriote mais mauvais linguiste s’est en général satisfait de vagues similitudes entre les deux vocabulaires.
Étant sans doute la seule science humaine “dure”, la linguistique a des exigences qu’il ignorait. La génétique des langues doit expliquer entre des mots de même sens ou de sens proche que les différences d’une langue à l’autre correspondent bien notamment à des changements phonétiques réguliers à partir des sons de l’ancienne langue commune.
L’un des deux frères Grimm qui publièrent des contes l’a établi en 1822. Un des trois grands austronésianistes de sa génération, Otto Christian Dahl, qui fut missionnaire pendant vingt-cinq ans dans l’Ouest de Madagascar, a satisfait à cette exigence lorsqu’il compara le malgache et le maanjan, une langue austronésienne parlée dans le Sud-Est de Bornéo en Indonésie.
Sachant que le malgache transcrit le son ou par o et le maanjan par u, prenons quelques exemples de mots ayant le même sens. Au maanjan rura correspond le malgache rora, “crachat” et, à ulun ª olona, “être humain”, le malgache vocalisant toujours les consonnes finales en maanjan. Au w du maanjan correspond un v en malgache : wawa ª vava, “bouche”, wuwu ª vovo, “nasse”, iwei ª ivy, “salive”, watang ª vatana, “corps d’homme” (le ng maanjan correspond régulièrement à un n malgache).
Au k du maanjan correspond un h du malgache : kawi ª havia, “gauche”, kawan ª havanana, “droite”, kuman ª homana, “manger”, kudit ª hoditra, “peau” (à la finale t en maanjan correspond toujours une terminaison tra en malgache).
Lorsqu’il connaît le fonctionnement du système, un malgachophone qui voyage en Malaisie ou en Indonésie est sans peine capable de comprendre les enseignes et beaucoup de noms de lieu. Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie, fut établie au lieu marécageux de confluence de deux rivières. A Kuala correspond le malgache hoala, “confluent, estuaire” et à lumpur lompotra, “tourbe, sol humide de marécage”.




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