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Les origines

  Les origines malgaches de l 'île de la Réunion

  Les premiers navigateurs de l'humanité

  L’invention de l’agriculture en Asie du Sud-est

  Les premiers habitants de la Grande Île

  Les premiers habitants de la Grande Île

  La religion des grands ancêtres

  Du temps de Darafify

  Les Zafiraminia

   Les Antemoro dans le sud-est

  Le modèle ZafiRambo

  Le modèle Antanosy

  Premières expériences de la colonisation

  Dans le Sud et le Sud-Ouest

  Les Maroseraña sakalava

  En Imerina, des Vazimba aux Andriana

  Andriamanelo, roi d’Alasora

  Ralambo et l’Imerina ambaniandro

  Andrianjaka et Antaninarivo

  Les temps anciens en pays betsileo

  
Les origines  

Les premiers habitants de la Grande Île

Peut-on parler de ce que faisaient les hommes à Madagascar il y a plus de deux millénaires ? Ne serait-ce pas l’époque des fameux “temps obscurs” qui interdiraient toute connaissance assurée ? Une autre question peut répondre à ces interrogations. Comment a-t-on pu, dans d’autres domaines et sans avoir disposé d’archives contemporaines des faits, réussir à reconstruire une histoire et à décrire les conceptions d’hommes de la préhistoire ?A partir du vocabulaire et des attestations dans des textes recueillis à l’époque historique, il a été possible de reconstituer les institutions des anciennes sociétés indo-européennes. A partir de leurs mythes, l’on a pu correctement exposer les grandes structures de ces sociétés. Alors, pour faire de même, il faut recourir à l’archéologie de la langue et à l’ethno-archéologie de la culture, sans se limiter aux seules données malgaches mais en se situant dans l’ensemble de la civilisation austronésienne. Et l’on peut y ajouter les conclusions de l’archéologie de la culture matérielle et celles de la botanique.

Bien que - faute notamment d’outillage lithique - jamais on n’ait pu inscrire Madagascar dans la Préhistoire, et que son peuplement ait été une colonisation de terres vierges, nombre de spécialistes des sciences de l’homme et de la société en ont écrit, d’une part, comme si l’on s’y trouvait dans un écomusée de l’évolution de l’humanité depuis le stade primitif, et d’autre part, comme si tout changement majeur s’y était produit sous influence étrangère.
Ainsi voient-ils dans les Mikea un groupe résiduel resté au stade des chasseurs-cueilleurs, et chez les Tsimihety une tribu égalitaire qui, ayant ignoré l’autorité royale jusqu’à sa soumission par des voisins organisés en royaumes sous l’influence arabe, a pu entrer de plain-pied dans le système républicain mis en place par la colonisation.
Or les premiers migrants sont arrivés dans la Grande Ile organisés à partir de puissants États et, par conséquent, armés de toute la culture matérielle, intellectuelle et spirituelle héritée des sociétés hiérarchiques complexes du monde austronésien de l’époque.
Des sites établis par les andriana Anivon’ny Riaka ou “Pays du Milieu des Mers” selon l’unique dénomination proprement malgache que nous lui connaissions, la Grande Ile, sur la “Route du Cinnamome”, s’est vue assigner une place stratégique dans la politique maritime et commerciale des métropoles d’Asie du Sud-Est.
Ceci transparaît notamment à travers la répartition du vintanina (Calophyllum inophyllum L.) dans le Sud-Ouest de l’océan Indien, car cet arbre, originaire de la zone indo-pacifique et diffusé parce qu’il fournit l’essentiel du bois de charpenterie marine et l’indispensable gomme à calfater, s’y trouve absent de l’Afrique orientale et apparaît ainsi réservé à Madagascar, où devaient donc se faire la construction et la vraie réparation des navires.

Les “princes du fleuve”

Il est d’ailleurs significatif que le vintanina, “(arbre) par lequel on favorise la chance et le destin”, ait aussi fait partie du complexe végétal systématiquement implanté par les groupes indianisés comme les Chams, “pour les besoins du rituel et de la pompe royale”. Et il n’est pas impossible de supposer que ce fut dès le temps des premiers établissements, qu’il se trouva au nombre des arbres que les pouvoirs politiques centraux prirent soin de soustraire à l’exploitation par le peuple, en réservant le privilège aux andriana, spécialistes du travail noble du bois, non seulement pour la construction navale mais aussi pour celle de leurs maisons de bois, dont la charpente évoque, jusque dans le vocabulaire, l’architecture des bateaux.
Car, bien qu’il perde sitôt à terre l’exercice du pouvoir absolu lié aux fonctions de commandant de bateau qu’il avait sur mer, du moins l’andriana y conservait-il, signifié par cette maison-bateau, un pouvoir inscrit dans la continuité quoique relativisé par les contraintes du contrat social : celui-ci l’amène à partager le pouvoir non seulement avec un hova appelé à organiser les activités économiques de l’ensemble des sujets (olona), mais aussi avec les chefs de famille demeurant souverains (masi-mandidy) à l’intérieur de leurs maisons, suivant le principe du «samy manjaka eram-baravarany – chacun règne pleinement, passée la porte de sa maison».
Les premières principautés qui furent fondées dans la Grande Ile, furent bien évidemment établies sur le littoral. C’était en général, en des lieux choisis par l’andriana sur des hoala, grandes baies et embouchures de fleuve, offrant des abris sûrs aux bateaux et se trouvant au débouché des voies fluviales par lesquelles se font les communications avec l’intérieur. Pour exercer ce choix, l’andriana se posait en tompon’ny vinany «maître du vinany», expression où le mot vinany est à la fois reçu en son sens premier d’embouchure ou estuaire et en son sens dérivé de prédiction, voyance ou prophétie, une telle évolution du sens du mot découlant du fait que c’est à l’embouchure et par l’observation de ce qui s’y passait qu’il était possible d’estimer - pour pouvoir l’annoncer - la richesse de l’arrière-pays.
On nommait andriambahoaka et / ou andrianony les princes qui se trouvaient à la tête de ces principautés. Prenant le titre d’andrianony «prince du fleuve» à partir du moment où il se lançait dans l’exploration de l’intérieur, l’andriana des premiers temps était avant tout andriambahoaka, à la fois «prince de l’embouchure» (vahoaka) et «prince régnant sur un peuple» (vahoaka) – car c’est bien parce qu’il désignait au sens étymologique l’embouchure que vahoaka en est venu à désigner tout d’abord le peuple qui y était installé, et ensuite tout peuple soumis à un gouvernement. Mais cela n’allait pas sans quelques autres attributs de grande importance.
Tout d’abord maître du fleuve, l’andriana l’est, d’une part, parce qu’il a la maîtrise de l’embouchure, et d’autre part, parce qu’il a passé un accord avec le cours d’eau pour en domestiquer le laza, “esprit de (sa) célébrité”. Pour manifester sa maîtrise, il installe sa capitale au nord du fleuve dans la position qui est celle du commandement et en un site qui, quelles qu’en soient les caractéristiques topographiques objectives, est considéré comme dominant le territoire de la principauté.
C’est ainsi que, sur la côte est de l’île, les hauteurs situées à l’ouest de la côte la bordant vers l’intérieur, sont paradoxalement désignées par ambany – un mot signifiant couramment «bas, en bas» –, tandis que la mer est censée être une hauteur (ambony), parce qu’elle est résidence des ancêtres et du grand prince de la métropole d’origine, dont l’usage courant de la langue conserve ainsi le souvenir.
Ensuite, maître de la terre, l’andriana est tompon’ny tany. Mais ici, le terme tany comprend non seulement l’espace géographique, mais aussi les hommes qui y vivent et qu’il faut gouverner.
Pour ce faire, l’andriana est à la tête d’une aristocratie à deux branches : la première formée de l’ensemble de ses parents qu’il régit comme chef de famille, la seconde d’un petit groupe de personnes qui assurent l’essentiel des tâches de conseil, d’administration et de sécurité.
C’est cette dernière qui assure, dans l’ensemble du pays soumis à sa juridiction, le respect des lois fondamentales et l’exécution des décisions, lesquelles étaient souvent prises à différents niveaux dans le peuple. Car l’andriambahoaka, n’hésitons pas à le répéter, n’était pas tout-puissant. Et en vérité, l’existence du principe hiérarchique qui organisait ces sociétés, n’excluait pas la revendication égalitaire. Ce sont les deux principes qui, par leur conflit, instituent et assurent la cohésion des formations politiques et sociales.

Une vie entre héritages et innovations

Le pays que les premiers colons découvrirent était très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui, car il était, dans sa majeure partie, couvert de forêts : forêt dense dans la partie au vent, forêt claire dans la partie sous le vent, et bush adapté à la sécheresse dans le Sud et le Sud-Ouest. Le reste, outre les marais et marécages, était occupé par des savanes où évoluaient encore des oiseaux coureurs plus grands que l’autruche, qu’ils nommèrent vorompatra «oiseau des savanes» et dont on peut encore trouver les œufs ici et là.
Selon les milieux, pouvaient de même se rencontrer de grands lémuriens, des hippopotames nains et des tortues géantes que nous n’avons pu découvrir que grâce à la paléontologie. Mais ni serpents venimeux ni grands fauves analogues au tigre de l’Asie du Sud-Est, et de ce point de vue, si l’on excepte la présence du crocodile qu’ils connaissaient, l’île pouvait leur apparaître comme un paradis prometteur de bonheur paisible. Si bien que l’on peut aujourd’hui penser que ce fut sans crainte qu’ils entreprirent d’en tirer parti non seulement pour y construire leurs maisons de végétal dans la tradition des peuples forestiers, mais aussi pour y mener l’ensemble de leurs activités, tant domestiques qu’économiques.
Forestiers devant reconnaître un milieu nouveau, en ayant sans cesse à l’esprit le chargement des navires de commerce, ils découvrirent, dans la nature environnante, des plantes identiques ou proches de celles qu’ils connaissaient, et parmi elles, à côté des plantes utiles à la vie quotidienne, nombre de plantes commercialisées en leur temps.
Ils les nommèrent d’après les noms qu’ils utilisaient en Asie du Sud-Est. C’est ainsi que les mots malgaches varo, anivona, hazomanitra, et zavy ou aviavy correspondent, par exemple, au malais baru, anibung, kayumanis et zawizawi.
Mais s’inscrivant dans la tradition de leurs pays d’origine, ils s’y livrèrent aussi à des activités d’introduction que les biogéographes ont relevées, estimant en 1936 que 48% des plantes malgaches non-endémiques avaient été apportées par l’homme, la majorité d’entre elles se trouvant dans la région au vent.
Marins devant à la fois se nourrir et approvisionner les bateaux, ces pionniers se livrèrent à la pêche, recourant aux techniques connues du fumage et de la salaison pour la conservation. Le poisson était alors un aliment quotidien si essentiel que le mot laoka «poisson» en est venu à désigner tout plat accompagnant la nourriture de base, tubercules ou céréales qu’ils entreprirent de produire.
Évidemment, la culture des tubercules (igname et taro) et celle des céréales (coix et riz) imposa l’aménagement des terroirs. Ils le firent en commençant par celui des tarodières, car aîné du riz (zokin’ny vary), le taro (taho, saonjo) était aussi nécessaire pour les rituels d’inauguration des maisons.
Quant à la riziculture, elle ne put se contenter longtemps de produire du riz pluvial sur des essarts forestiers et dut procéder à des aménagements d’envergure qui, dans les régions où le permettaient les conditions écologiques, créèrent des paysages rappelant le Sud-Est asiatique.
En vérité, il s’agissait avant toute chose de satisfaire les besoins de première nécessité, soit par la pêche, la chasse et la cueillette, soit par l’élevage et la culture, allant jusqu’à la production de plantes à fibres (bananier textile, cotonnier arbustif) et l’élevage du ver à soie sur des plantes comme le filao pour le tissage des vêtements.
Et la politique des princes ajouta à ce qui était déjà connu des plantes et des animaux qu’ils se procurèrent au cours de leurs voyages, en particulier auprès des Austronésiens installés sur la côte africaine. Car, c’est de là que furent apportés, s’agissant des plantes, le pois de terre (voanjobory), le sorgho et le petit mil (ampemby), le ricin (tanantanana, kinana) et le sésame (voahazo, voamaho).
Quant à la volaille et au petit bétail, ce furent principalement la pintade (akanga) et le mouton (savily, ondry), auxquels furent conservés les noms qui les y désignaient, et auxquels il convient d’adjoindre la chèvre, dont l’élevage et la consommation semblent bien avoir été réservés aux princes dès cette époque et qui y conserva son nom austronésien de bengy en raison justement de sa valeur emblématique.
Ceci nous amène à observer que ces andriana que l’on a déjà vus recevoir l’exclusivité du vintanina et que l’on voit ici recevoir celle de la chèvre, n’excluaient pas toujours un certain partage. C’est ainsi qu’il paraît probable que le privilège de boire au moins du lait de chèvre, accordé aux malades à titre curatif - car, dit-on en malgache, «tout malade est prince» -, ait été instauré dès ces premiers temps des origines, puisque l’andriana, étant par définition source de vie, était d’office devin-guérisseur.
Mais, ainsi qu’on peut l’observer à propos du potamochère et des bœufs, ce partage portait régulièrement la marque de la hiérarchie sociale et les attributions avaient à la fois une fonction commémorative et un caractère symbolique.
Dans le cas du potamochère, que l’on appelle couramment “sanglier” et qui retourna à l’état sauvage mais avait été importé d’Afrique en tant qu’animal domestique, le fait d’être en droit de s’en réserver le foie fut reconnu aux andriana et pour rappeler qu’ils en furent les introducteurs dans le pays, et pour signifier qu’ils étaient maîtres de l’invisible, car tompon’ny atiny «maître du foie», qui peut se traduire littéralement par «maître de ce qui est caché à l’intérieur», donne aussi à entendre que le lambo, baptisé du nom du buffle en austronésien, fut animal de sacrifice rituel.
Quant au caractère imprescriptible de ce droit, il apparaît bien quand on sait que les andriana qui en sont venus à respecter l’interdit de la viande de suidé (porc d’élevage et sanglier sauvage) peuvent toujours faire une exception pour le foie de lambo. Dans le cas des bœufs, dont l’importation est postérieure à celle du lambo et auxquels furent conservés le nom africain de omby (aomby, añombe…), s’agissant du Bos taurus, et celui cham et/ou persan (donc indo-européen) de jomoka, s’agissant du Bos indicus ou zébu, il convient de relever que la marque de «propriété» des andriana se limitait au fait, d’une part, de se réserver, en tout animal sacrifié, la loupe (trafonkena), symbole d’altesse, et/ou la culotte (vodihena) signifiant le droit de décider en dernier ressort, et d’autre part, en chaque troupeau, tous les animaux de certaines robes, variables selon les régions.
Colonisation de terres vierges et enrichissement du patrimoine végétal et animal répondirent sans doute largement à la nécessité de satisfaire aux besoins d’une population dont l’espace social s’étendait bien au delà de la ligne d’horizon marine que l’on voyait depuis les embouchures. Et il suffira, pour que l’installation devienne définitive, que la terre y soit devenue tanindrazana «terre des ancêtres» en ayant reçu les restes mortels des pionniers.

Précision : dans le dernier volet, à propos de Ferrand, il fallait lire 1908 et non 1903 et ce sont ses disciples – non lui-même – qui assimilent ses Négrilles aux Vazimba.


Jean-Pierre Domenichini et Bakoly D.Ramiaramanana


Du bon usage de la langue
La langue est, par définition, la première et la plus importante des sources orales. Mais l’absence de rigueur, dans l’utilisation que l’on en a faite pour le malgache, a pu conduire à des erreurs monumentales, comme dans cette thèse de doctorat américain qui partait en guerre contre le “mythe” de l’unité malgache. Dans une note de bas de page de son travail concernant Ankoala, nom d’une localité, l’auteur constatait qu’il était “assez curieux que la seule explication disponible en malgache est que le terme désigne le cheptel bovin venu d’Ankoala”.
N’ayant pas trouvé le mot dans les dictionnaires du malgache, il en vient à dire qu’il ne pouvait être qu’africain. Ensuite, s’appuyant sur le fait que le zébu fut importé d’Afrique et que la localité en question se trouve sur la côte nord-ouest face à l’Afrique, il tire plus loin la conclusion que ce toponyme “confirmerait simplement
l’ancien peuplement africain”.
Il venait de trouver un nouvel argument pour son entreprise politique de démystification. Or le démystificateur ignorait que le mot hoala, à partir duquel Ankoala avait été formé, était non seulement en usage sur toute la côte est et nord-ouest, mais aussi déjà donné dans les dictionnaires malgaches du 19e siècle, tant dans celui du père Webber (1853) que dans celui de Richardson (1885), avec le sens de “baie immense et très profonde” et de “grande plaine marécageuse”. Cependant que le dictionnaire du père Malzac (1893 et nombreuses rééditions), l’avait bien de son côté retenu, mais à l’article Vava pour le mot composé vavahoala, “endroit par où les eaux s’écoulent”.
De même, en matière de linguistique comparée, il ignorait aussi bien les travaux de Dempwolff (1937 et 1938) qui, du malais kuala et du malgache hoala, tirait une racine proto-austronésienne désignant une “embouchure de fleuve”, que ceux plus récents de Jacques Dez (1963) qui relève hoala parmi les apports de l’Indonésien commun au malgache. L’exemple est parlant et n’est pas exceptionnel. On peut se demander s’il faut pardonner tant d’ignorance à un travail universitaire qui prétend donner une leçon aux politiques.




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