du Dimanche 25 Novembre 2001
Océan Indien  
Tananarive a su, tant bien que mal, conserver les témoignages de son évolution. Quelques très rares vestiges du XVIIe subsistent encore (surtout des portions de murailles ou de fossés de protection). Il faut quelque persévérance pour les débusquer. De l’immense pierre ronde d’Ambohimanga qui fermait l’accès au palais du roi Andrinampoinimerina (mort en 1810) jusqu’aux bâtisses coloniales françaises, la Ville des mille guerriers possède un patrimoine historique et architectural non négligeable qui mérite que l’on s’y attarde plusieurs jours. Par manque de moyens, beaucoup de ces sites sont malheureusement en piteux état.


A voir sur le Web:
[Lire aussi]
• Tananarive veut retrouver son lustre d 'antan
• Tananarive :Quelques sites à visiter
• Balade dans le Tana d 'avant guerre



Tananarive : L 'histoire de la cité des milles guerriers


Le lieu de naissance de Tananarive est la plus haute colline de la ville : Analamanga, qui signifie “forêt bleue”. En 1610, le roi Andrianjaka et ses mille guerriers en délogeaient les tribus Vazimba, les mystérieux et quasi mythiques premiers habitants de l'île. Antananarivo signifie donc la “ville des milles guerriers”.
Sur le site nouvellement conquis d'Analamasina, le roi construit alors une petite enceinte formée de pieux plantés en terre, le Rova (ce palais originel peut être situé dans la partie sud-est du Rova actuel).
Les premiers colons s'installent. Disposant de nombreuses sources d'eau, la place constituera une forteresse bien défendue ayant sept poternes de défense (dont quatre sous forme de passage souterrain) débouchant sur des sentiers abrupts, essentiellement au nord car l'est, l'ouest et le sud du Rova, remparts naturels, étaient suffisamment dissuasifs.
A l'intérieur du périmètre, l'ensemble des constructions sera régi selon l'orientation sacrée nord-est. Les quartiers situés au nord-est seront ainsi destinés aux familles les plus importantes. En 1630, à la mort du roi conquérant, ses enfants et petits-enfants entérinent le choix de leur ancêtre et le village va se développer lentement, renforçant sa protection rocheuse par l'adjonction de fossés aux points les plus vulnérables.
A la fin XVIIe siècle, le roi Andriamasinavalona va continuer les travaux d'aménagements hydrauliques de la plaine de Betsimitatatra et développer d'autres sites. Il construit ainsi de nombreuses digues qui serviront également de chemins traversant les vastes étendues des rizières. Mais il va également aménager la place d'Andohalo, où une pierre sacrée y sera plantée pour servir à l'intronisation des souverains merina.
La ville s'est par la suite étendue sur les crêtes et les flancs des collines avoisinantes, prolongements naturels vers le nord (Faravohitra) et l'ouest (Isoraka) formant ainsi un Y. Tana, du haut de ses collines déclarées sacrées par la royauté, domine alors le pays avec ses paysages de buttes déboisées et ses petits villages traditionnels composés de maisons de pisé. Les habitations tapisseront bientôt 18 collines situées à une altitude comprise entre 1 200 et 1 500 m.

La période coloniale

La période coloniale marque profondément la ville d'Antananarivo. En effet, c'est durant le Gouvernement général que la ville change profondément de physionomie. De très importants aménagements urbains vont alors avoir lieu : le centre vital de la ville va ainsi passer de la “ville haute” à la “ville basse”.
La ville haute a son centre, place de l'Indépendance (anciennement place Colbert) et s'étend du quartier d'Isoraka, au nord, jusqu'au palais de la reine (le Rova), qui domine la ville au sud-est. Son paysage urbain est rendu pittoresque par les implantations parfois vertigineuses de maisons en terrasses, ses hauts murs de soutènement, ses escaliers et son dédale de venelles.
La ville coloniale, appelée ville basse, part du marché d'Analakely, les pavillons couverts face à la grande poste, jusqu'à la gare des trains de Soarano, en passant par l'avenue de l'Indépendance. Elle s’est développée au début de la période coloniale en raison du manque de place sur les collines et aussi de la volonté des Français (qui installent le gouverneur général à Antaninarenina) de s'affranchir de l'influence royale, dont les palais sont dans la Ville Haute.
D’importants travaux d'assèchement, notamment dans l'actuel quartier de l'avenue de l'Indépendance, ont été réalisés à cette époque. La construction d'égouts couverts, de bordures de trottoirs et de caniveaux pavés sont réalisés avenue de France et place Colbert. Des murs de soutènement sont réalisés dans de nombreux quartiers de la ville et le cimetière d'Anjanahary est aménagé. La plupart des rues qui existent aujourd'hui dans cette partie de la ville datent de ce début de siècle. En 1899, la ville compte 43 000 habitants et l'année d'après, 48 000 (655 étrangers, dont 528 Français). Au début du XXe siècle, les Français dotent la ville de voies carrossables, d'un réseau d'égouts et de l'éclairage public. La gare de Soarano est inaugurée en 1910 et, à cette même période, l'électricité fait son apparition. En 1911, ce sont les premières bornes-fontaines qui sont construites.

L' ère du béton et des bidonvilles

Les dédales de sentiers et d'escaliers, vestiges de la ville royale, ne plaisent guère aux architectes et urbanistes français. En ce début de siècle, hygiène et viabilité sont les maîtres mots.
Le remodelage des espaces habités va donc constituer l'essentiel de leur travail. Les colons tiennent pour autant à préserver la Ville Haute car elle présente une unité certaine. En revanche, ils souhaitent doter la ville d'atours modernes. L'architecture civile adoptée sera un mélange des cultures malgache et française. En 1925, un plan d’urbanisme destiné à la ville basse met l'accent sur l'hygiène.
Les travaux d'aménagement et d'assainissement mis en place au début du siècle, se poursuivent, notamment avec la modernisation du Zoma (grand marché du vendredi) et l'élargissement de nombreuses artères. Grandement influencé par l'architecture parisienne, le maître d’œuvre Géo Cassaigne souhaite créer de grandes trouées dans le paysage urbain afin de la faire respirer le plus possible. Il dessine deux escaliers monumentaux (160 marches) qui traversent de part en part la ville sur ses deux collines principales et perce deux tunnels, l'un à l'ouest (tunnel Garbit, inauguré en 1920) et l'autre, à l'est (tunnel d'Ambanidia, inauguré en 1938). En centre-ville, 22 hectares de marais sont comblés, créant ainsi un vaste quartier ordonnancé autour de l'avenue Fallières (aujourd’hui avenue de l'Indépendance) qui est inaugurée en 1935. Le réseau des égouts, jusqu'alors peu développé, est amélioré, mais les travaux sont ralentis par le réseau routier (dont il dépend étroitement pour faire passer les canalisations) qui n'est pas encore définitif.
En 1933, la ville basse est protégée des crues de l'Ikopa et de la Sisaony par l'élévation de digues. Les fonctions entre les deux villes sont désormais bien réparties : la “haute” devient le lieu de résidence alors que la “basse” devient le lieu du commerce et des loisirs. En 1930, on compte 100 000 habitants à Tananarive et près de 2 500 véhicules y circule chaque jour.
En 1960, l’indépendance amènera à Tananarive (qui compte alors 250 000 habitants) un nouveau souffle, mais l’architecture traditionnelle est abandonnée au profit d'un style “international” fait de constructions en béton. Le building de l’hôtel Hilton, inauguré en 1970, est le symbole de cette architecture massive et sans originalité. Les bâtiments de cette époque s'intègrent mal dans le paysage de la ville. Après l’arrivée au pouvoir de la IIe République socialiste et démocratique, quasiment plus rien ne sera fait pour le développement de la ville, sinon les immenses bidonvilles de la périphérie qui attirent des milliers de paysans qui n’arrivent plus à vivre de leur terre et pensent trouver dans la capitale le remède à leur misère.
Aujourd’hui, Tana compte environ deux millions d’habitants. Même si des mesures urgentes ont été prises il y a quelques années (réfection de l’avenue de l’Indépendance, déménagement du Zoma) pour rendre le centre-ville vivable, le retard pris dans l’aménagement urbain et périurbain est considérable. La communauté urbaine du Grand Tananarive s’est récemment dotée d’un schéma directeur. Mais il faudra des années (et plus probablement des lustres) pour en voir les effets. Si les bailleurs de fonds internationaux laissent le robinet ouvert.







|Retour|



2001©Clicanoo.com - Le Journal de l'île - Contact : info@clicanoo.com